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SA ou Sàrl et législations concernant l’agriculture

Cette fiche présente comment les différentes législations concernant l'agriculture s'appliquent aux SA et Sàrl.

Table des matières

Avant de consulter les différentes fiches, nous vous invitons à lire l’introduction qui présente les différents schémas d’organisation.

Une SA/Sàrl est une personnalité juridique qui peut être reconnue comme exploitant-e agricole ; elle a droit aux paiements directs à condition de respecter certaines règles lors de la création. C’est l’ordonnance sur les paiements directs et dans une moindre mesure l’ordonnance sur la terminologie agricole qui fixent les conditions à respecter.

Elle peut aussi prétendre aux aides structurelles figurant dans l’ordonnance sur les améliorations structurelles. Ici aussi, certaines conditions liées à la structure de la SA/Sàrl sont à respecter.

A côté de la loi sur l’agriculture et ses ordonnances d’application, les deux autres principaux textes législatifs sont la loi sur le droit foncier rural (LDFR) et la loi sur le bail à ferme agricole (LBFA). Ces deux lois fédérales sont basées sur le modèle de l’agriculture familiale ce qui pose des questions en présence de sociétés, SA ou Sàrl. Les interactions avec la LAT sont aussi à prendre en compte.

SA/Sàrl et statuts d’exploitation agricole

L’ordonnance sur la terminologie agricole admet nommément les sociétés comme exploitations agricoles : dans son article 2 : « Par exploitant, on entend une personne physique ou morale, ou une société de personnes, qui gère une exploitation pour son compte et à ses risques et périls, et en assume ainsi le risque commercial.

Plus loin on précise que l’exploitation doit être autonome sur les plans juridique, économique, organisationnel et financier et est indépendante d’autres exploitations et qu’elle doit disposer de son propre résultat d’exploitation.

Pour vérifier l’autonomie et l’indépendance de l’exploitation, il faut notamment que :

  • l’exploitant puisse prendre des décisions concernant la gestion de son exploitation, indépendamment des exploitants d’autres exploitations agricoles;
  • l’exploitant d’une autre exploitation agricole ou ses associés, sociétaires, actionnaires ou représentants, détiennent une part inférieure à 25 % du capital propre ou du capital total de l’exploitation. Concrètement, cette personne ne peut pas avoir plus de 25 % des parts sociales / actions ou faire un prêt à la SA/Sàrl qui représenterait plus de 25 % du capital total.

Il est important de comprendre ces points car il arrive souvent qu’à côté de l’exploitation organisée en SA/Sàrl, les exploitants pensent pouvoir rester à la tête d’une exploitation à titre individuel ou détenir des parts ou des responsabilités au sein d’autres structures juridiques assimilées à des exploitations agricoles. Par exemple : avoir une exploitation en raison individuelle et prendre des parts dans une SA qui exploite une autre exploitation. Dans un tel cas, les deux exploitations devraient être considérées comme une seule, notamment pour les paiements directs et l’OTerm.

SA/Sàrl et droit aux paiements directs

Le droit aux paiements directs d’une SA/Sàrl s’articule autour d’exigences qui concernent les membres de la société, mais aussi de la société elle-même.

Exigences liées aux membres exploitants

Si des personnes détiennent 10 % ou plus du capital ou des droits de vote et qu’elles exercent une fonction dirigeante (en principe : siège au conseil d’administration, directeur ou gérant) elles sont considérées comme co-exploitantes ; elles doivent remplir les conditions pour bénéficier des paiements directs (voir tableau dans le schéma).

La personne qui possède moins de 10% du capital, même avec une fonction dirigeante n’est potentiellement pas considérée comme co-exploitante (voir schéma). La situation est examinée au cas par cas. Par exemple, si une personne qui était jusqu’à présent l’exploitant principal atteint la limite d’âge, elle est considérée comme co-exploitante avec la fonction dirigeante, même avec une participation inférieure à 10%.

En tant qu’exploitantes ou co-exploitantes de la SA/Sàrl, les personnes physiques doivent:

  • avoir leur domicile civil en Suisse
  • avoir moins de 65 ans au 1er janvier de l’année de contributions
  • remplir les exigences en matière de formation agricole
  • ne pas exercer d’activité hors exploitation à plus de 75%
  • remplir la condition concernant l’exploitation à titre personnel (travailler sur l’exploitation).

Exigences liées à la société

  • elle doit être inscrite au registre du Commerce
  • elle doit poursuivre un but agricole, « se consacrer à la production végétale ou à la garde d’animaux ou aux deux activités à la fois« 
  • la valeur comptable du capital fermier et – si la SA ou la S.à.r.l. est propriétaire – la valeur comptable de l’entreprise représente au moins deux tiers des actifs de la SA ou de la S.à.r.l.
  • la société doit avoir des actions nominatives
  • dans le cas des SA, les membres exploitants doivent détenir une participation directe de deux tiers au moins au capital-actions ainsi que deux tiers des droits de vote, par le biais d’actions nominatives
  • dans le cas des Sàrl, les membres exploitants doivent détenir une participation directe de trois quarts au moins au capital social et aux droits de vote
  • les statuts ne doivent pas contenir des dispositions qui limiteraient la liberté d’action des membres reconnus au paiements directs (ayant droit (co)-exploitants) au profit des autres actionnaires (n’ayant pas droit aux contributions) ou de tiers.

Dans le cas où la SA/Sàrl est propriétaire d’un domaine et le met en fermage à un de ses actionnaires ou dirigeants, il faut vérifier le droit aux paiements directs. Des restrictions sont prévues à l’article 3 al 2bis. Elles visent principalement d’autres formes juridiques, comme par exemple les fondations, les associations, etc. … L’objectif est d’éviter qu’une personne morale exclue des paiements directs n’en bénéficie indirectement au travers d’un bail. Des cas de SA/Sàrl peuvent être tolérés, s’il ne s’agit pas d’un contournement. 

Ne sont présentées ici que les conditions principales ou celles dont le non respect (souvent involontaire) est rencontré le plus fréquemment.

Exemples

SA/Sàrl et aides structurelles

Dans la plupart de cas, une SA/Sàrl qui exploite un domaine agricole et qui est reconnue pour les paiements directs peut bénéficier, comme une personne physique, de crédits d’investissements agricoles ou de contributions au sens de l’Ordonnance sur les améliorations structurelles (OAS).

Avec notamment ces conditions :

  • respecter les règles de l’Ordonnance sur les paiements directs art 19
  • taille de l’exploitation au minimum 1.0 UMOS (ou 0.6 UMOS dans certains cas) art 6
  • être détenue aux deux tiers par des personnes physiques pouvant bénéficier d’aides financières en vertu de l’OAS et disposant d’au moins deux tiers des droits de vote art 31. Pour cela, les personnes doivent disposer d’une qualification reconnue
  • si la moyenne arithmétique de la fortune imposable taxée des personnes physiques impliquées dépasse CHF 1’000’000.- avant l’investissement, la contribution pour les mesures individuelles est réduite de CHF 5’000.- par tranche supplémentaire de CHF 20’000.- art 38
  • lorsque la SA/Sàrl est locataire du domaine et investit elle-même, un droit de superficie (DDP) ainsi qu’un bail sur 20 ans (ou la durée du crédit) sont exigés. art 5

En outre les SA/Sàrl peuvent bénéficier d’autres aides à l’investissement cantonales sous certaines conditions.

Par ailleurs, une aide initiale peut être accordée au détenteur d’actions ou de parts sociales si les contions liées à la personne sont respectées (âge, formation). Ceci peut être utile dans le cas de l’acquisition des actions au cédant.

Conditions liées à la forme juridique dans la LDFR, la LBFA, la LAT et conséquences

Contrairement à d’autres corps de métiers, l’agriculture est régie par une législation très spécifique, avec plusieurs textes de lois qui lui confèrent un statut particulier et par conséquent des règles qui diffèrent d’autres secteurs d’activités économiques.

A côté de la loi sur l’agriculture et ses ordonnances d’application, les deux autres principaux textes législatifs sont la loi sur le droit foncier rural (LDFR) et la loi sur le bail à ferme agricole (LBFA). Ces deux lois fédérales sont basées sur le modèle de l’agriculture familiale et, tel que défini dans le premier article de la LDFR, ont pour buts de « maintenir des entreprises familiales comme fondement d’une population paysanne forte » et « de renforcer la position de l’exploitant à titre personnel ». Elles ne sont donc pas ou très peu adaptées à ce jour au monde des sociétés, SA ou Sàrl.

En effet, quand on crée une SA/Sàrl, on donne naissance à un sujet de droits distinct de la ou des personnes physiques qui la créent. Pour la loi cette nouvelle personne n’est pas la même que la personne physique. Cette distinction entre les deux personnes n’est pas toujours simple à appliquer à la LDFR ou à la LBFA qui n’ont pas été pensées pour.

Les chapitres suivants ont pour but de présenter les informations connues à ce jour en matière d’application du droit foncier rural et du bail à ferme agricole en présence de SA/Sàrl et de relever de manière non exhaustive quelques éléments pour lesquels il n’y a actuellement pas de réponse.

Droit foncier rural

Acquisition / Aliénation

Une SA/Sàrl peut être propriétaire d’une entreprise agricole. Pour cela elle doit remplir les conditions de l’exploitation à titre personnel. (art 9 LDFR) En vertu de la jurisprudence actuelle, pour une SA/sàrl les critères sont les suivants (révision LDFR en cours en 2024, possibilité de changement)

  • Les personnes qui détiennent les actions/parts sociales de la personne morale et qui satisfont les exigences imposées à l’exploitant à titre personnel disposent d’une participation majoritaire
    • ou
  • Au moins la majorité des actionnaires/associés travaillent sur l’exploitation.:

Dans le cas où la personne morale vend une entreprise agricole, les dispositions de la LDFR sont logiquement applicables. De même, dans les cas ou la vente concerne les parts de la personne morale, les dispositions de la LDFR sont également applicables bien que la vente de part n’engendre pas un changement de propriétaire. Afin d’éviter un contournement de la LDFR, il a en effet été prévu de soumettre tous les actes juridiques correspondant économiquement à un transfert de propriété à l’autorisation préalable d’acquérir (LDFR art. 61 al. 3).

En présence d’une SA/Sàrl propriétaire de l’entreprise et exploitante c’est donc bien la SA/Sàrl qui pourra faire valoir le droit de préemption du fermier et non plus la personne physique détentrice des actions/ part sociales. Dans le cas d’une SA/Sàrl d’exploitation, elle ne pourra par contre pas faire valoir son droit de préemption sur des parcelles car elle n’est pas propriétaire d’une entreprise.

Droit à l’attribution et droit de préemption

La LDFR prévoit également que « Les dispositions sur les entreprises agricoles s’appliquent aussi aux participations majoritaires à des personnes morales dont les actifs consistent principalement en une entreprise agricole. » En cas de vente de la participation majoritaire d’une SA/Sàrl propriétaire d’une entreprise agricole, les règles de la LDFR concernant le droit à l’attribution dans le partage successoral ou le droit de préemption s’applique donc aussi au paquet d’actions. Ainsi, un héritier exploitant à titre personnel a droit à l’attribution des actions à la valeur de rendement agricole.

Exemple : Dans le canton de Vaud, la Commission foncière émet des recommandations quant au contenu des statuts des SA/Sàrl détenant des entreprises et /ou des immeubles agricoles.

« Ils doivent comprendre les éléments suivants:

  • Les actions de la société doivent être nominatives. Elles ne pourront pas être converties en actions au porteur.
  • Les actions de la SA/ les parts sociales Sàrl ne peuvent être détenues majoritairement que par des exploitants agricoles ou viticoles à titre personnel au sens de l’article 9 LDFR.
  • Tout transfert d’actions de la SA / de parts sociales de la Sàrl, doit au surplus être soumis à la Commission foncière pour autorisation avant inscription au registre des actions/des parts sociales. 
  • Toute modification des clauses statutaires ci-dessus ne pourra déployer ses effets qu’après due approbation par la Commission foncière.« 

Manque de jurisprudence

Malgré les quelques jurisprudences existantes, il reste donc de nombreuses zones grises du fait qu’une SA/Sàrl n’a pas d’héritier, de conjoint ou de parents. Hors, de nombreux articles de la LDFR régissent une application particulière au monde agricole dans le cadre du partage successoral ou de l’aliénation d’une entreprise ou d’immeuble agricole (droit des cohéritiers au gain, droit de préemption des parents, etc…).

Ainsi par exemple, s’il est créé une société d’exploitation dont les biens immobiliers restent en main de l’actionnaire ou de l’associé, il n’est pas certain en cas de décès de ce dernier qu’un enfant exploitant puisse se prévaloir au sein de l’hoirie d’une attribution préférentielle sur les biens meubles de la société (bétail, matériel, provisions), bien que ces biens puissent être indispensables au maintien de l’entreprise. 

Bail à ferme agricole

Les mêmes questions se posent pour l’application de la LBFA. Par exemple, concernant le droit de préaffermage des descendants du bailleur, dans les cas ou la SA/Sàrl est propriétaire des bâtiments, cette dernière n’a pas de descendant qui permettent d’appliquer les dispositions.

Il faut également prêter attention au contenu de l’article 19 LBFA qui traite de la reprise des baux en cas de remise d’exploitation. En effet, en cas de transfert de son exploitation en SA/Sàrl, le propriétaire de terres affermées peut profiter de refuser la transmission du bail au reprenant (SA/Sàrl). Car le transfert à une SA/sàrl constitue une remise d’exploitation même si c’est la même personne physique qui détient le 100 % des actions/parts sociales.

Aménagement du territoire

L’activité agricole a la particularité de se dérouler en très grande partie hors de la zone à bâtir. Le respect de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT) est donc également très important lors d’un projet de création d’une SA/Sàrl.

Les constructions et installations conformes à l’affectation de la zone agricole sont réglées dans la LAT en particulier aux art. 16a. L’article 24b traite des dérogations possibles pour des activités accessoires non agricoles. L’ordonnance sur l’aménagement du territoire précise et complète ces articles en particulier aux articles 34 et suivants.

La question des SA/Sàrl dans l’agriculture et de leurs éventuelles conséquences n’est pas prévue au niveau de la loi ou de l’ordonnance. Elle n’est également pratiquement jamais abordée dans les articles ou interventions traitant des sociétés dans l’agriculture.

Dans le « Commentaire pratique LAT : construire hors zone à bâtir » on retrouve tout au plus une précision concernant le fait qu’un exploitant à titre personnel peut également être une personne morale dans le cadre du chapitre traitant de l’importance de la LDFR pour l’aménagement du territoire.

La création d’une société (avec ou sans les immeubles) pour l’ensemble de son exploitation agricole et des activités accessoires qui y sont liées ne semble donc pas poser de problème.

Par contre pour de nombreux aspects, notamment la conformité à la zone agricole pour le développement interne (art.16a al. 2) ou encore les dérogations possibles pour les activités accessoires non agricoles (art. 24b), un lien clair avec l’entreprise agricole et /ou la famille de l’exploitant est exigé et précisé.

La création d’une personne morale pour isoler une activité de son exploitation (située tout ou en partie en zone agricole) doit donc être bien analysée en tenant compte également de la conformité à l’affectation de la zone une fois les nouvelles structures créées, le lien clair avec l’entreprise agricole ou la famille de l’exploitant n’étant plus toujours simple à démontrer.

A l’inverse, la création de 2 structures peut également rendre identifiable une activité annexe non conforme à la zone qui n’était pas perceptible tant qu’elle était imbriquée dans la même structure que l’exploitation agricole.

Impressum

Photo de couverture : Azra Abidovic, AGRIDEA

Graphiques : AGRIDEA

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