Fonctionnement, fiscalité courante et financement des investissements des SA et Sàrl agricoles
- SA ou Sàrl en agriculture – Introduction
- SA ou Sàrl et législations concernant l’agriculture
- Constitution de SA ou Sàrl en agriculture
- Fonctionnement, fiscalité courante et financement des investissements des SA et Sàrl agricoles
- Responsabilités et risques dans les SA et Sàrl
- Récapitulatif des principaux points de vigilance sur les SA et Sàrl en agriculture
Avant de consulter les différentes fiches, nous vous invitons à lire l’introduction qui présente les différents schémas d’organisation.
Interactions SA/Sàrl – personne privée : schéma général de fonctionnement
En transformant sa raison individuelle en SA/Sàrl, on crée une personne morale qui est :
- un nouveau sujet de droit avec sa propre personnalité juridique;
- une personne distincte de la personne physique avec sa propre comptabilité.
Les échanges entre la personne physique et la personne morale doivent se faire
« comme avec des tiers » : loyer au prix de marché, salaire habituel pour ce type de poste…
De même, les factures des fournisseurs doivent être établies au nom de la SA/Sàrl. La personne physique n’étant plus l’exploitant. Dans le cas où la SA/Sàrl est utilisée pour une activité annexe, la personne physique reste exploitante, mais il convient quand même de revoir les en-tête de factures pour l’activité concernée.
Gestion administrative et règlements
Il y a deux sujets de droit distincts: la personne physique et la personne morale. En conséquence, il y a aussi 2 déclarations d’impôts (une pour la personne physique et une pour la personne morale).
La personne morale fait l’objet d’obligations :
- Obligation de tenir une comptabilité.
- Obligation de nommer un organe de révision ou d’y renoncer officiellement si moins de 10 employés.
- Obligation d’organiser une assemblée générale dans les 6 mois après la date de clôture de chaque exercice.
En complément des statuts et contrats de nature obligatoire mais peu détaillés, le fonctionnement de la SA/Sàrl peut faire l’objet de règlements internes (exemples : organisation du travail, répartition des responsabilités, etc.) pour préciser au niveau opérationnel ce que les partenaires décident d’établir pour leur propre usage.
Il est aussi nécessaire d’établir des documents concernant la relation entre la SA/Sàrl et la personne physique : bail à ferme, contrat de travail…
Gestion des flux financiers, revenus
Dans le cas du fonctionnement avec une SA/Sàrl, la personne physique reçoit un salaire pour son travail, à charge de la SA/Sàrl. Par ailleurs, la SA/Sàrl génère (ou non) un bénéfice qui peut être en tout ou partie reversé à la personne physique sous forme de dividende (pour la rémunération du capital apporté). La personne physique reçoit alors un salaire (pour son travail) et des dividendes (pour le capital apporté).
Le salaire doit être d’un montant correspondant aux conditions du marché pour ce type de poste (voir salaires moyens pour chef d’entreprise agricole).
Le bénéfice, s’il existe, est réparti selon une proposition du conseil d’administration. Avant de distribuer des dividendes, la SA/Sàrl doit compenser un report de pertes éventuel puis attribuer 5 % du bénéfice annuel à la réserve légale issue du bénéfice jusqu’à ce qu’elle atteigne, avec la réserve légale issue du capital, la moitié du capital-actions inscrit au registre du commerce. (CO art 672).
La personne physique reçoit également, le cas échéant, en tant que propriétaire des biens immobiliers, le fermage payé par la SA/Sàrl. Le montant du fermage ne doit pas dépasser le fermage licite.
Particularités de la comptabilité et de la gestion
Pour une SA/Sàrl, le bilan distingue le capital action (parts des associés /actionnaires) des réserves (issues des bénéfices non distribués). Les deux étant du capital propre.
Une autre particularité de la comptabilité en SA/Sàrl est le compte courant actionnaire/associé. Ce compte permet de matérialiser des « prêts » entre la SA/Sàrl et ses actionnaires/associés dans un sens ou dans l’autre. Par exemple, cela peut être dans le but de financer la société avec des fonds personnels; ou de régler des échanges de marchandises (ex : la personne prend des légumes pour sa consommation personnelle). Ce compte fluctue selon les montants retirés / prélevés et ceux amenés. Ce compte devrait faire l’objet d’un intérêt (obligatoire dans le cadre d’un prêt envers les actionnaires/associés et facultatif en cas de dettes). Attention, la gestion des comptes courants associés/actionnaires doit être très rigoureuse et l’usage très prudent car, dans certaines conditions, ces sommes peuvent être requalifiées en salaires ou dividendes et faire l’objet d’une imposition et ou de cotisations AVS.
Main-d’œuvre
La main-d’œuvre est salariée, y compris l’ancien-ne chef-fe d’exploitation.
Le statut de collaborateur familial n’est pas reconnu dans le cadre d’une SA/Sàrl. Les collaborateurs familiaux deviennent des salariés «normaux» affiliés au 2ème pilier et à l’assurance accident professionnelle obligatoire.
Les salaires devront correspondre aux conditions du marché et doivent être versés.
Les contrats de travail des employés doivent être transférés à la société.
Actionnaires ou associés
La SA/Sàrl est détenue par des actionnaires ou associés. Ces personnes détiennent des actions (SA) ou des parts sociales (Sàrl) qui matérialisent la maitrise de la SA/Sàrl et aussi leur apport de capital.
Ces personnes ont pour rôle de gérer la société en prenant les décisions importantes lors des assemblées générales et en nommant le ou les associé-e-s gérant-e-s (Sàrl) ou les administrateurs (SA). Ces dernier-ère-s sont ensuite chargé-e-s de gérer la société au quotidien.
Ces personnes ne sont donc pas toujours employés par la SA/Sàrl et ne sont pas non plus toutes reconnues comme exploitant (avec les limites exposées au chapitre paiements directs).
Fiscalité courante
NB : on traite ici de la fiscalité en fonctionnement. La fiscalité à la création ou à la liquidation est abordée dans les chapitres correspondants.
La société est imposée en tant que société sur :
- son bénéfice, avec un taux fixe (impôt des sur le bénéfice des sociétés);
- son capital (actions et réserve).
La personne physique est imposée sur :
- l’ensemble de ses revenus : salaire, dividendes, loyers perçus avec un taux progressif;
- l’ensemble de son patrimoine, dont les actions de la société en tant que valeurs mobilières. La valeur fiscale d’une entreprise non cotée est estimée selon la circulaire CSI 28 et repose en général sur deux composantes: sa valeur de substance d’une part, et la valeur de rendement qu’elle génère à partir du bénéfice, d’autre part.
Le montant du bénéfice reçu en dividende est imposé deux fois : en tant que bénéfice pour la société et en tant que revenu pour la personne. Une imposition privilégiée portant sur seulement 70% du dividende (en 2023, ex de Genève) est accordée si la personne détient plus de 10% du capital de la société = participation qualifiée.
C’est la différence de taux entre la société (taux fixe) et la personne physique (taux progressif), qui, dans certains cas, peut produire un avantage fiscal, malgré la double imposition.
Lorsqu’une société accorde une prestation à un actionnaire ou à un de ses proches qu’elle n’aurait pas accordé sous les mêmes conditions à un tiers, et qu’il y a une disproportion entre la prestation et la contreprestation, nous sommes en présence d’une prestation appréciable en argent (PAA). En présence d’une PAA, l’administration fiscale corrige le bénéfice imposable de la société, respectivement le revenu de l’actionnaire. Pour cette raison, les relations commerciales entre l’actionnaire et la société d’exploitation (SA/Sàrl) doivent être établies précisément et respectées scrupuleusement. Si tel n’est pas le cas, les parties s’exposent à des reprises fiscales conséquentes.
Après le transfert en fortune privée des immeubles, il est important de relever qu’il ne sera plus possible d’amortir comptablement une nouvelle construction ou installation, et que la valeur locative agricole ne sera plus octroyée.
Finalement, l’imposition ordinaire globale pourrait augmenter ou diminuer selon la situation. Il convient donc de faire une étude globale, en tenant compte des éventuels autres revenus et des variations interannuelles pour connaitre l’impact sur le plan fiscal.
Assurances et prévoyance
Avec la disparition du statut de collaborateur familial, tous les « travailleurs » ont le statut de salarié avec la prévoyance correspondante.
En ce qui concerne la prévoyance et les assurances sociales, les cotisations et prestations correspondront à celles des salariés. Des cotisations facultatives pour les indépendants deviennent ainsi obligatoires : chômage, accident, 2ème pilier…
Les cotisations aux assurances sociales applicables aux salariés et aux indépendants se trouvent sur ce site : bsv.admin.ch
En 2023, les cotisations dues pour les salariés sont de 12.8% contre 10 % pour les indépendants (1er pilier).
Il faut également tenir compte du droit cantonal (allocations pour enfants et allocations de formation).
Les assurances pour les accidents et l’assurance indemnité journalière en cas d’incapacité de gain doivent également être contractées. Le salaire assuré sera le salaire fixé dans le contrat de travail. Si les personnes n’ont pas d’autres revenus, il faut être attentif à ce montant et ne pas le sous évaluer.
Le deuxième pilier des salariés sera également appliqué à tous les collaborateurs.
La déduction pour le 3ème pilier pour indépendants n’est plus possible, celle des salariés est plus faible (en 2023 : 7056 francs au lieu de 35 280 francs par an).
A noter que, bien que des cotisations soient versées pour le chômage, les salariés-dirigeants de la SA/Sàrl et leurs familles ne peuvent pas bénéficier des indemnités chômage sauf exception (faillite par exemple).
Les contrats d’assurances privées doivent également être revus et transférés en partie à la SA/Sàrl selon ses possessions.
Financement des investissements
Sources de financements
Les SA/Sàrl peuvent prétendre aux différentes sources de financements : crédits ou contributions dans le cadre de l’OAS (selon les critères spécifiques décrits dans SA/Sàrl et aides structurelles), financement bancaire, crowdfounding…
Le dossier d’une SA/Sàrl propriétaire des immeubles entre dans une catégorie à part chez la plupart des bailleurs de fonds (conditions d’intérêts des prêts et de remboursement moins favorables).
Lorsque la SA/Sàrl est locataire et que les biens sont dans la fortune privée de la personne physique, cette dernière n’a pas intérêt à investir elle-même car elle ne peut pas amortir l’investissement. L’investissement par la SA/Sàrl peut être compliqué par la problématique des garanties.
Garanties
Les institutions de financement requièrent toujours des garanties immobilières.
Il est donc nécessaire de:
- Constituer un droit de superficie distinct et permanent DDP (au bénéfice de la SA/Sàrl qui construit sur le terrain appartenant à la personne physique).
- Mettre en gage des immeubles de la personne physique, peu importe qu’ils fassent partie de la fortune privée ou commerciale. Dans le cas où les garanties sont apportées par la fortune privée, il existe un risque de requalification en fortune commerciale. La situation devrait être analysée et/ou autorisée par l’administration fiscale.
Dans certains cas, notamment un endettement important de la personne morale, les établissements financiers peuvent exiger un cautionnent solidaire de l’actionnaire principal en faveur de sa société.
Photo de couverture : Léonore Jaccard, AGRIDEA
Graphiques : AGRIDEA